Category: Pensées Nomades & Nomades de la Pensée


Série: Un Monde de Cristal -Poésies

Réflexions sur l’âme d’un Affranchi du Temps.

Auteur : Pierre Fasseaux

Bibliographie : L’Opus in Septem, Les Affranchis du Temps (à paraître)

L’Âme du Petit Prince, Prince du cosmos.

Il parcourait le désert de sable,

Explorait les collines

Et les dunes de cristaux,

Qui sont comme l’apparent vide du Ciel.

 

Le Petit Prince.

Il connaît bien le Ciel, la Mer primordiale,

Matrice de toutes les étoiles

Et des poussières d’étoiles,

De toutes les Âmes,

La sienne, les nôtres aussi.

 

L’immensité de sable ne peut être un désert,

Inhabité, dépouillé, puisqu’il y a le sable,

Chaud, minéral, coloré,

Gîte protecteur de vie ensevelie.

 

Pas de dualité inventée.

Rien n’est désert, rien n’est vide,

Abandonné,

Ou alors…tout est désert mais plénitude.

Le Ciel et la Mer sont-ils des déserts ?

 

Le Ciel, océan d’étoiles,

Flottes de galaxies, armadas de constellations

Brûlantes, enluminées, vivantes.

Vagues tournantes, fiévreuses et inlassables

De planètes chaudes, froides et gazeuses.

 

Cela, à personne ce Petit Prince,

Ne l’avait dit, pas même murmuré.

Bien sûr il venait d’un astéroïde,

Mais il était un Prince du cosmos.

Un Être manifesté, Fils du Ciel et de la Terre[1].

 

 

Ce Petit Prince était né

Âme pure, du Ciel étoilé,

D’une lumineuse étincelle.

La prophétie des Oiseaux,

Jamais n’avait révélé la nouvelle.

 

Certains sages disent même

Que dans les lamelles d’or Orphiques,

Son histoire est écrite.

Qu’il est un initié des secrets,

Un évadé du Ciel,

Affranchi du Temps et de l’Espace.

 

Personne n’avait expliqué

Pourquoi il avait déserté son astéroïde

Qui est son Ciel,

Avait parcouru la Terre et d’autres planètes,

Ces montagnes errantes,

Telles de mornes caravanes en exil, en péril,

 

Pour, sur Terre, rencontrer les hommes.

Heureusement, il y avait eu Antoine

Et le renard.

Les autres hommes étaient déjà presque fous,

Des hommes de la Terre,

Egarés du Ciel, détournés de leurs origines.

 

Le Petit Prince, Prince furtif du cosmos,

Est un Seigneur du Monde,

De la Vérité, un « Sage »[1],

Revenu sur Terre pour enseigner la Paix,

L’espoir de l’Amour et le rêve du Ciel.

Et la domination de l’Esprit.[2]

Surtout, surtout, faire rêver les hommes…

 

Revenu aussi pour neutraliser

Les vicissitudes et l’inquiétude,

La vanité, le moi et le transitoire,

Les obsessions et spéculations.

Et par le rêve, apaiser la violence.

 

Rappelé par ses amis oiseaux pour

Quitter la Planète Terre à nouveau.

Et s’envoler comme un Oiseau

Vers la Constellation du Cygne,

Retourner aux étoiles, son astéroïde,

Son Ciel, sa demeure.

 

Car le Petit Prince est une Âme pure,

Appelée par les Oiseaux à la lune pleine.

Il détient le Pouvoir des Clefs[3],

Il s’envole… pas pour toujours.

Car le Petit Prince reviendra,

C’est son devenir et sa qualité,

Il est un Affranchi.

Lien éternel entre la Terre et le Ciel.

 

A l’instar d’Isrà,

Petite fille palestinienne,

Petite Princesse de Rafah[4], et du cosmos.

 

Un Monde de Cristal – Réflexions sur l’âme d’un Affranchi du Temps.

Auteur : Pierre Fasseaux

 

[1] L’Homme, de La Grande Triade, René Guénon.

[1] Ou un « muni », terme sanskrit, signifiant : sage, penseur, ascète.

[2] Soit « riddhi », terme sanskrit signifiant : domination de l’esprit sur la matière, et aussi : affranchissement des lois de la gravitation. Voir le manuscrit « Les Affranchis du Temps », Pierre Fasseaux.

[3] La Grande Triade, René Guénon. Le pouvoir de délier, aller vers la dissolution, se soustraire à la gravitation. Voir aussi le manuscrit « Les Affranchis du Temps ».

[4] Voir le manuscrit « Les Affranchis du Temps », Pierre Fasseaux.

Auteur : Pierre Fasseaux. Le Scribe de Îah (Scribe de la Lune, Scribe of the Moon)

Rubrique : Pensées nomades. Souvenirs de voyages. https://pierrefasseauxecrivain.wordpress.com/

Ce jour-là, sur les faubourgs de Kathmandu, la brume était très épaisse. Il avait plu toute la nuit durant ces derniers jours de mousson. Avant même le lever du jour, il ne faisait pas assez froid pour dissoudre le brouillard. La brume formait des filaments ouatés parfois entrecroisés, paresseux et presque figés. Des bancs de brouillard s’accrochaient au sol. Tous les bruits étaient amortis. J’étais seul avec le silence et tout aussi immobile que la brume.
Le jour s’était levé et j’attendais le premier rayon de soleil sur le stupa de Bodhnath à l’est de Kathmandu, la lumière qui révélerait le Bouddha. Assis sur un banc en pierre, dans la cour entourant le stupa, je disparaissais dans la brume.

Un vent léger se leva, prémices à l’apparition de l’astre du jour. Un vent thermique sans doute. La brume s’effilocha, rampa quelque peu, tenta encore de s’accrocher au sol mais dut bientôt renoncer. Une brise accompagnait maintenant le silence. Nous n’étions plus seuls.

En même temps se produisit la première métamorphose. La brume était descendue et dévoila le triangle doré surmonté par un petit croissant, dominant le dôme et la tête du Bouddha. L’or scintilla. En même temps on entendit le son profond et encore feutré d’un gong puis la prière mantra au Bouddha, « OM Mani Padme Hum » psalmodiée par des moines et qui se répandit dans la brume. L’apparition du triangle doré en même temps que les tonalités de la prière sublimaient le moment présent. La brume s’effaçait du sol en montant et le brouillard descendait laissant maintenant apparaître les magnifiques yeux du Bouddha, comme si le stupa n’était si sur terre ni au ciel. Bouddha le Joyau de Kathmandu s’incarnait entre la matière et l’essence. C’était la deuxième métamorphose.

Les abords géométriques carrés de la base du stupa s’éclaircissaient et on pouvait maintenant distinguer les fenêtres encadrant les moulins à prières. Quelques pèlerins et dévots venus de la brume commençaient déjà à effleurer les moulins tout en marchant.
Cinq minutes passèrent encore puis l’énorme dôme blanc et circulaire du stupa ainsi que les nombreux drapeaux de prière s’illuminèrent. C’était la troisième métamorphose du Bouddha le Joyau, le Trésor, celle qui révéla le quatrième symbole bouddhiste, les quatre éléments. Le carré au sol représente la Terre, le dôme circulaire représente l’Eau, le triangle le Feu et l’Air par le croissant.

Une vieille femme qui passait m’avait sans doute observé, assis sur le banc. Elle s’approcha de moi puis me salua les mains jointes en me regardant intensément avec de grands yeux noirs. Son visage ridé et brun souriait, elle repartit sans un mot. Le moment était magique, je n’étais vraiment plus seul. Le Bouddha m’appelait.
Habité par la chaleur de cette silencieuse invitation, je me levai et me dirigeai alors vers les moulins à prières et débutai mon pèlerinage autour du stupa.
Dix ans plus tard, le regard de cette vieille femme est toujours chaleureusement présent dans mon souvenir et mon être.

Notes: Le Scribe de Îah est le Scribe de la Lune. Îah signifiant « Lune » en hiéroglyphes. Je pourrais aussi l’appeler « Hem Medou » en hiéroglyphes, ce qui signifie: « Le Serviteur de la Parole ». Hem étant le Serviteur, et Medou, la Parole.
Je pourrais aussi l’appeler  » Hem Seshat », soit le Serviteur de Seshat, déesse Egyptienne de l’Ecriture, associée à la lune ( car elle porte une peau de panthère) et à l’éternité, portant un calame à la main.Le Scribe de Îah, « Hem Îah », « Hem Medou » ou encore « Hem Seshat », ainsi je me définis.

Seshat: significations, voir l’intéressant site de Wikipedia sur le sujet.


Résumé : Petites réflexions d’un flâneur, en ode aux nomades ainsi qu’à ceux inscrits au panthéon des nomades : les gitans, les romanichels,  SDF de notre temps et aux personnes déplacées.

Références : toutes réf.sur Google: pierrefasseaux, LOpus in Septem,
BLOG https://pierrefasseauxecrivain.wordpress.com/
Données historiques : www.academon.fr/Travail-de-Recherche-Le-Christianisme-dIsis/27891

Aussi publié via: http://www.communique-de-presse-gratuit.com/wp-admin/post-new.php?posted=113085

Bibliographie :

– Contient des références par des notes de bas de page.
-« L’Opus in Septem – Complot en Egypte » Edition Thélès, du même auteur
www.theles.fr/livre/pierre-fasseaux_l-opus-in-septem,

ISBN : 978-2-303-00382-7

Mots clefs : Touaregs, nomade, Amon, Syrie al-Bâb, alphabet phénicien.

Auteur : Pierre Fasseaux

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Contenu :

Le nomade est un être  familier de l’impermanence. Il est le Maître et Sujet sur Terre du Temps et de l’Espace. Maître car ceux-ci n’ont aucune prise sur lui. Sujet car il s’abandonne totalement au Temps et à l’Espace. Le nomade, à l’instar des gens du voyage, apparaît traditionnellement comme une créature errante et sans demeure,  qui se déplace au gré des distances et des éléments.  Mais l’errance est une qualité du changement  perpétuel et donc de la vie. Ainsi en est-il aussi de la Planète Terre, la Grande Nomade, sur laquelle il se déplace, planète en perpétuel mouvement rotatoire et lancée dans l’univers en expansion à des vitesses prodigieuses vers un endroit inconnu de tous.   Tout comme le nomade, la Terre est donc aussi du voyage perpétuel. Certains s’inquiètent de l’instabilité et du perpétuel voyage des nomades, mais personne ne connaît ni n’augure de la destination de la planète Terre !

Nomade Maître de l’Espace, il est aussi Maître de son Champ Intérieur, du Rêve et ses pensées l’accompagnent. Comme l’écrit Hawad à propos des Touaregs dans la « Pensée nomade[1] » à propos de  l’éphémère : « chez les nomades, tout ce qui existe est éphémère et ne peut exister que dans l’espace qui sépare départ et arrivée ». Hawad définit ainsi  la culture nomade dont il est l’héritier : « Pour le nomade, la pensée n’existe qu’en marchant ou en chantant ; et tout ce qui est nomade doit être soit chanté, soit marché pour être vraiment tel ». En cela, cette conception ressemble à la philosophie bouddhiste de l’impermanence et du non-attachement, chemin sur la Voie du Bonheur et de la Vérité. A quoi bon s’attacher, à un lieu, à une terre, si tout est éphémère ?

Maître de l’Espace, la Terre qu’il parcourt  est son patrimoine, la Nature sa représentation, le ciel étoilé et les planètes son toit protecteur. L’errance magnifie son voyage de l’intériorité, ce voyage qui lie la Terre au Ciel lorsqu’il franchit le portail de l’âme « al-Bâb[2] ». La dualité Terre-Ciel  inventée par l’homme n’existe plus car la Terre est dans le Ciel. Le nomade est donc aussi dans le Ciel. Il est même davantage, il « est » Le Ciel et ainsi s’approche de sa vraie nature céleste et donc divine. A ce moment, il intègre à nouveau l’Océan primordial, le NUN, dont il est le natif et l’héritier.

Nomade Maître de l’Espace et du Temps, il devient Nomade Maître céleste du Rêve. Ce sont des pensées Nomades qui émergent alors dans sa conscience. C’est la première métamorphose du nomade, car de nomade il devient ermite méditatif et contemplatif. L’éphémère est dépassé, sublimé. Il n’y a plus ni départ, ni arrivée mais continuité car le nomade se prolonge en ermite. Il est nomade sans possession à l’instar des Illustres Fondateurs, Îsâ-Jésus et Mohamed le Prophète, de Bouddha Gautama, et plus proche de notre temps de Gandhi.

Dans la poursuite de son voyage intérieur, le Nomade Ermite se transforme  en Nomade de la Pensée.
« On considère parfois les moines, les ascètes comme des êtres immobiles. Mais l’ermite méditatif expérimente le voyage en contemplant la vie qui remue sans cesse. C’est un voyage de l’intérieur encore plus mouvementé qui fait apparaître le non visible avec ses questionnements, ses tourments, la plénitude de la grâce et de l’euphorie alternée avec le vide de l’affliction et de la tristesse. Dans ce voyage, le panorama du monde défile devant les yeux, parfois si vite qu’il donne le vertige.
Les ermites sont les nomades de la pensée, tentant de voyager jusqu’au bout de celle-ci, expérimentant la rencontre avec l’Être suprême au travers de la méditation, de la nature qui est devant leurs yeux, y compris de l’homme. Tout comme les nomades, ils sont des familiers de l’impermanence. L’environnement autour d’eux a peu d’importance, sauf… l’homme lui-même dans sa peine. Alors l’énergie ou les formes d’énergie puisées dans le nomadisme de la pensée, sont redistribuées à l’autre, sous la forme d’engagement à la cause sociale, aux problèmes de santé, au partage de l’amour ». ( Extrait de L’Opus in Septem, p.340, Ed. Thélès, Paris 2011).

Que recèlent les lettres et le mot ?

Examinons la séquence des lettres du mot « NOMADE ». De manière troublante, et déjà dans le magnifique alphabet phénicien, le mot débute par la lettre N « Nun[3] ». Mais le N représente aussi la ligne brisée dans les symboles sacrés des hiéroglyphes égyptiens, l’évocation de l’eau ridée agitée, l’énergie du Nun et une incantation à Osiris. Le mot inscrit ensuite le « O », soit la lettre « Ayin », le Grand cercle, et suggère la sphère céleste qui cherche à délimiter l’univers, la sphère primordiale. Il se poursuit par la  lettre « Mem » laquelle rappelle aussi l’eau en mouvement, alors que le hiéroglyphe correspondant représente la chouette et l’intériorité. La quatrième lettre est un « Alif », lettre écrite de manière similaire au A de notre alphabet mais avec une rotation de 90° à gauche. Le « Alif » est la nature non-manifestée, cachée[4] du Divin qui est en nous. Pour rappel, le Alef représenté par le Vautour en hiéroglyphe est devenue la première lettre de l’alphabet proto-cananéen figurée par la tête du Taureau, laquelle a ensuite évolué vers l’Aleph de l’alphabet phénicien dans le premier millénaire avant notre ère, puis est devenue simultanément l’Alif arabe et l’Aleph hébreu.  L’Alef  a ensuite évolué vers  le syriaque Alaph, puis enfin vers la lettre A grecque et latine.

Si on considère ensuite l’étymologie latine tardive de « nomade », le mot est issu du latin « nomaS ». Toutefois, la lettre S signifie « verrou » en caractère hiéroglyphe, elle n’est donc seulement qu’un verrou pouvant abriter un secret. Mais le secret n’en est pas un, tellement il brille devant nos yeux.  En effet, les quatre premières lettres du mot « NOMA(s) DE » mais  inversées (car les hiéroglyphes peuvent aussi se lire de droite à gauche), nous fait découvrir la deuxième métamorphose. En effet, après l’ouverture du verrou, se révèle «  AMON » le Caché, le sacré, le Dieu Egyptien Caché dans le Nomade.

Cette apparente anagramme est-elle  un effet du hasard et simple coïncidence ?

Pas vraiment. Amon le Caché « Imn » est une divinité principale du panthéon égyptien bien sûr, mais aussi du panthéon berbère. Amon est Amon-Rê chez les Egyptiens, le Caché,  « l’Eternel, Créateur et Maître de tout ce qui existe, et établi durablement en toutes choses » (Autographe de Thoutmôsis III au temple de Karnak, 1504-1450 avant notre ère ; Sethe 1932-1961). Cet hommage du Dieu cosmique datant de plus de trois millénaires, ne ressemble-t-il pas de manière surprenante à un hymne actuel professant la foi des chrétiens ?
D’autre part, Amon est souvent représenté les chairs peintes en bleu, le bleu cosmique du ciel et du lapis-lazuli, tout comme les nomades Touaregs sont appelés «  les Hommes bleus du Désert ».  Ceux-ci sont issus des Zénètes nomades Luwata chez qui on retrouve aussi dans ce panthéon berbère, AGurzil, dieu représenté par une tête de taureau, qui rappelle à nouveau la lettre A, l’Alif protosinaïtique.



[2] Ville du nord de la Syrie, signifiant « le portail ». Voir l’Opus in Septem, p. 321, 349. Les moines nestoriens philosophes de al-Bâb.

[3] Nun : Océan primordial

[4] Le Alef ou Alif dissimule  le non-manifesté, c’est Horus, Dieu ou Allah, alors que le Ba, le Bâ de l’Âme ou le Bet sont des éléments immortels qui se manifestent. Voir l’Opus in Septem, p. 440. Et http://www.communique-web.info/2744/legypte-sacree-dans-notre-inconscient-collectif-ou-lopus-in-septem-auteur-pierre-fasseaux/

Un courant d’air tiédi par la chaleur des pierres du monastère de al-Bâb emporta des odeurs de lavande et de thym.

Ils restèrent là encore un moment à humer les parfums et observer la métamorphose du ciel.

Le professeur reprit la conversation.

— C’est un lieu propice à la méditation…

— Oui, tôt le matin et en fin de journée, en accord avec la paix du lieu et de l’ombre.

Vous savez, on considère parfois les moines, les ascètes comme des êtres immobiles. Mais nous expérimentons le voyage en contemplant la vie qui remue sans cesse. C’est un voyage de l’intérieur encore plus mouvementé qui fait apparaître le non visible avec ses questionnements, ses tourments, la plénitude de la grâce et de l’euphorie alternée avec le vide de l’affliction et de la tristesse. Dans ce voyage, le panorama du monde défile devant les yeux, parfois si vite qu’il donne le vertige.

Nous sommes les nomades de la pensée, tentant de voyager jusqu’au bout de celle-ci, expérimentant la rencontre avec l’Être suprême au travers de la méditation, de la nature qui est devant nos yeux, y compris de l’homme. Tout comme les nomades, nous sommes des familiers de l’impermanence. L’environnement autour de nous a peu d’importance, sauf… l’homme lui-même dans sa peine. Alors l’énergie ou les formes d’énergie que nous puisons dans le nomadisme de notre pensée, nous les redistribuons à l’autre, sous la forme d’engagement à la cause sociale, aux problèmes de santé, au partage de l’amour.

— Vous apportez de l’aide à la population des villages?

— Oui, durant les matinées. Le plus souvent nous partons à pied dans les villages alentours, avec notre âne lorsqu’il faut amener des colis alimentaires, des médicaments ou le plus souvent les potions à base de plantes du Père Habib. Il est guérisseur.

— Vous venez de mentionner « la rencontre avec l’Être suprême », qui considérez-vous comme votre Être suprême?

— C’est le Suprême qui est en chacun de nous, dans la nature, dans l’univers, la création ou l’engendrement.

Le moine s’arrêta et retourna la question au professeur.

— Mais quel est le vôtre?

—  Je pense qu’il est le même, qu’il est universel, autant présent dans le palais de la pensée que dans l’antichambre du monde réel.

Il est l’Absolu, à la fois principe féminin et masculin.

Absolu féminin représenté par la Déesse de la création, la Mère Isis, la Créatrice de la Matrice et  Régente de l’évolution. Absolu masculin générant la Lumière Energie.

Il est le Dieu de tous les peuples, le Dieu des musulmans, des chrétiens,  ainsi que de leurs prophètes respectifs. Il est le Bouddha Sâkyamuni, Shiva et Krishna. Il est aussi le Dieu du cosmos, Râ  qui permet la vie du soleil, le Dieu chamane des génies de la nature, des Eaux et des Montagnes. Parce qu’Il est aussi là où on ne le cherche pas. Nul n’a de préséance sur l’autre.

Transmué en pensée raisonnée, Il devient le Suprême et le Vénérable des Philosophes, de Confucius et Lao Tseu, d’Aristote, de Platon et Socrate…

— Vous pensez et vous croyez à une pluralité divine?

— Nous croyons en cet espoir de fusion des systèmes philosophiques et religieux, donc en un panthéon syncrétique universel.

La récente philosophie caodaïste qui a voulu réunir la millénaire philosophie Bouddhiste, Confucianiste, et Taoïste dans un panthéon, va dans ce sens.

Toutefois le système philosophique possède un caractère largement plus universaliste que la religion marquée par une pratique cultuelle et dogmatique spécifique à une divinité. En ce sens, j’estime que la philosophie est une réponse à la quête actuelle universelle de la spiritualité, un aboutissement.

Le Professeur s’arrêta un moment pendant que le père Ansar hochait de la tête en signe de consentement.

— Je suis d’accord avec vous.

Je pense que toute élection d’un Dieu spécifique, d’une religion particulière et d’un peuple qui lui est rattaché s’éloigne de l’universel et ramène au principe du « coagula », donc de l’enfermement de la pensée et de l’action. Je considère que le monothéisme a tendance à s’inscrire dans ce dernier concept. En ce sens, je dirais que le monothéisme contient des germes avec un potentiel davantage conflictuel que le polythéisme, le panthéisme ou la croyance aux puissances surnaturelles de la nature.